jeudi 4 février 2010

Du Sublime dans l'air



Galerie Sprüth Magers Berlin
Oranienburger Strasse 18 BERLIN
Exposition jusqu'au 1er avril 2010



Michail Pirgelis, Akropolis

Des débris d’avion. A priori, cela pourrait s’agir de ces images diffusées en nombre illimité ces derniers mois dans les journaux. Tragédies. Les drames de ces corps en morceaux mêlés aux pièces des machines explosées en plein vol, le rêve d’Icare à jamais détruit.
Non, ces fragments d’avion sont lisses, beaux, et brillent sous la lumière naturelle des étages de la galerie Sprüth Magers. Des sculptures gigantesques et abstraites qui parfois s’entrouvrent. On hésite à entrer dans les œuvres. Le texte écrit par la galerie parle de « ready-made » mais le terme paraît un peu daté. Nous parlerons plutôt de sculptures sublimes.
Ces objets sont dotés d’une véritable présence. Et à partir de cette beauté visuelle indéniable nous sommes invités à voyager dans le Temps. L’Histoire est ainsi convoquée. Des images nous reviennent. L’aviation et ses débuts enthousiastes aux alentours de 1900 puis l’Exposition Internationale de 1937 (Paris) qui célébrait la parfaite alliance de l’art et de la technique.
Depuis cet âge d’or est apparue la peur contemporaine du crash et de l’attentat terroriste. Comme incontrôlable, elle s’interpose dans le regard que nous portons sur ces œuvres. Les statistiques actuelles nous informent que 10 % des voyageurs ont peur en avion et que 30 % des personnes sont anxieuses ou terrorisées pendant un voyage. Michail Pirgelis joue avec cette crainte commune qui nous traverse tous.

Et crée du sublime. Le sublime est un concept philosophique et artistique qui définit une parfaite alliance de beauté et d’effroi conjugués ensemble dans une œuvre. Pirgelis renoue avec la pensée kantienne qui oppose le beau comme esthétique de la mesure au sublime comme esthétique de la démesure car ces œuvres nous surpassent avec leurs spectaculaires miroirs lisses dans lesquels notre image se reflète. Nos corps deviennent des portraits en pied déformés par l’ horizontalité vertigineuse des pièces.
Du Sublime encore, s’il l’on s’en réfère au théoricien anglais du XIXe siècle Edmund Burke, qui écrit :
« Tout ce qui est propre à susciter d’une manière quelconque les idées de douleur et de danger,c’est-à-dire tout ce qui est d’une certaine manière terrible, tout ce qui traite d’objets terribles
ou agit de façon analogue à la terreur, est source de sublime, c’est-à-dire capable de produire la plus forte émotion que l’esprit soit capable de ressentir.»

La plus fort émotion artistique serait donc celle qui capte les angoisses contemporaines et les transforme en expression plastique et palpable. Clouées au mur ou trônant fièrement au cœur d’une pièce, ces morceaux d’angoisse nous rappellent que si l’homme n’est pas immortel, l’art tend à le devenir.

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