mardi 26 janvier 2010

Leila Garfield, Warum Berlin?






Début janvier 2009. La neige qui tombe depuis des semaines sur Berlin s’est figée en une couche de glace de plusieurs centimètres d’épaisseur et les trottoirs glissants de la ville sont devenus de vraies patinoires. Un café à la sortie du métro Ostkreuz, un point parmi tant d’autres dans la vaste capitale. Au-delà du quai du S-Bahn, l’horizon s’étend à perte de vue dans une lumière crépusculaire. Rencontre avec la photographe Leila Garfield.
Les chiffres du recensement déclarent à Berlin 3 millions et demi d’habitants, dont 430 000 étrangers. On ne le dira jamais assez : Berlin est une ville internationale et attractive qui accueille encore et toujours de nouveaux arrivants. Mais « Pourquoi Berlin » ? Leila Garfield, photographe française alternant depuis maintenant plus de cinq ans les séjours entre Paris et Berlin, a posé la question à des berlinois d’origine et d’adoption. Pour chacun, un portrait Noir et Blanc sur fond neutre, suivi d’un texte, écrit par chaque modèle, puis un portrait en pied dans une pièce de leur appartement. Des chambres, des cuisines, des salons, un toit même, les berlinois nous ouvrent leur porte et racontent, en quelques mots, parfois quelques phrases, l’histoire de leur arrivée à Berlin. Et nous voilà plongés dans le kaléidoscope berlinois.
Une atmosphère particulière se dégage du livre. Leila soulève le voile de l’intime, pénètre dans les intérieurs de chacun tout en douceur, laissant les regards s’exprimer intensément, comme pour mieux se raconter. Les images de Leila Garfield évoquent un documentaire de l’intime. La photographie est le medium d’un échange entre le photographe et l’objet photographié. Deux étapes se succèdent, un premier acquiescement suivi d’un don mutuel. Les textes, des « dons » également, amusent, émeuvent, touchent, deviennent de véritables ponts de parole entre le lecteur et le livre et font entendre la voix, romantique, perdue ou en colère, des figures. Un dialogue s’installe à présent entre le livre et son lecteur. Progressivement, nous sommes nous aussi portés à nous interroger sur notre place, là où nous vivons. Quelles raisons m’ont porté là où je vis ? Quel sens emprunte mon chemin ici ?
Leila admet elle-même que Berlin est une ville difficile, et la première rencontre qu’elle fit avec la ville ne présageait rien de bon. Lors d’un voyage scolaire organisé par son lycée, elle se casse une jambe dès le premier jour. Privée de Berlin avant même d’avoir pu rencontrer la ville, l’évocation d’une semaine coincée à l’hôtel avec le professeur de mathématiques reste pénible. Un premier souvenir de la ville morose donc. Quelques années plus tard, c’est cependant à Berlin qu’elle choisit de passer une année Erasmus pendant ses études de cinéma. La voici donc étudiante à l’Udk (« Universität der Künste » : « Université des Arts »), moment qui signe pour elle un rapprochement avec la photographie. Immersion dans la vie berlinoise et son air cosmopolite. Puis, à la fin de l’année 2005, un projet de fin d’études naît. Celui-ci prend la forme d’un livre d’artiste axé sur le thème de la perception du mot culture par différents artistes de l’Udk, portraits et objets choisis par les modèles à l’appui. Un travail couronné de succès et qui annonce curieusement Warum Berlin ? . Des travaux en Russie (Série « Russia »), à Berlin (« Body Langage », « Everyday »), au festival d’Avignon (« Backstage ») suivent. Des expositions aussi, comme à Paris aux Ateliers d’Artistes de Belleville en mai 2009 ou à la galerie Ida Nowhere à Berlin. Elle est également représentée par la galerie L’œil Ouvert (Paris) depuis 2008.
Parallèlement à cette activité parisienne nait Warum Berlin, réalisé en deux moments, d’abord en février 2008 pour la préparation du projet puis en avril 2009. Un travail entièrement réalisé par l’artiste jusque dans l’impression du volume, et partiellement financé par l’Ofaj (Office Franco-allemand pour la Jeunesse). Une implication totale dans le projet donc, qui participe également au caractère extrêmement généreux de l’œuvre. Des 100 exemplaires réalisés, il n’en reste que très peu, sinon plus.
Et un « Pourquoi Paris ? ». « Sans doute plus compliqué, surtout au niveau technique, car les espaces privés sont tellement plus petits à Paris » répond l’artiste. L’objet appelle irrésistiblement à une suite sur le même principe et le concept d’une série « Pourquoi Berlin, Paris, New York, Dijon » amuse l’artiste. Comme autant de courts voyages, un vol plané au-dessus des âmes citadines. Et l’on attend avec impatience un deuxième tirage, et un nouveau volume.

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