vendredi 18 décembre 2009

Jonathan Meese








Jeudi soir, la neige tombe à petits flocons timides sur Berlin, le S-Bahn est plein à craquer de passants encombrés par les achats de Nöel, des sacs, des cabas, des paquets qui débordent des wagons aux arrêts du train. Hackecher Markt, le centre de Mitte bouillonne, les magasins déversent sur le pavé les derniers acheteurs, il est temps de fermer boutique. Dans la cour d'un immeuble de la Sophienstrasse, entrée Porte C, il faut sonner, s'annoncer, entendre dire : " 3e étage, première porte à gauche".
Au dernier étage, une salle immense parsemée de sièges Mies van der Rohe, des murs recouverts d'œuvres d'art, toiles sur-dimensionnées aux couleurs criardes, une sculpture en métal déborde et attaque l'espace du regard, pénètre vivement dans la rétine. Les derniers arrivants s'installent, le feu brûle dans la cheminée. L'arène est fin prête, la tauromachie va pouvoir commencer.
Jonathan Meese annonce : " Le manifeste que vous tenez entre les mains n'est pas celui que je vais lire". Une farce, cette mise en scène, ce décor est une comédie, rien ne compte plus que l'art, l'art est la vie, et dissout tout ce qui nous entoure, qui n'est qu'artifice, mensonge, bouffonnerie. Poussant la dérision plus loin, Jonathan revêt des lunettes noires, la tragédie sera totale. L'intervention est performance, le corps de l'artiste vibre, rayonne, lorsqu'il proclame un à un les points de son manifeste, qui débutent à chaque fois par un tonitruant :
" Dans l'espace total de l'art ..." Résumons, pèle-mêle : la culture est un programme émanant de l'Etat, l'art est autre, l'art et non l'artiste est génie, le beau est ce que l'on n'apprend pas, par exemple, un cri d'enfant, l'art est le seul parti du futur. La révolution ne viendra pas de la rue mais de la scène des choses, "Die Bühne die Sachen".
Le public trépigne, refuse la vision d'un monde sans argent, sans parti politique, où la créativité de chacun soit la seule valeur constructive, et non spéculative. Les rires sarcastiques suivent les questions provocatrices des spectateurs mécontents, contrariés. Éternel combat de l'avant-garde incomprise?
"Demandons à la liberté ce qu'elle est" conclut l'artiste, avant de se retirer de la scène.

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